Dans cet épisode de « La Vie d’aid’handicap », je vous ai partagé un pan très intime de mon expérience d’aidante familiale, en mettant en lumière toutes les émotions que l’on traverse lorsque ce rôle s’impose à nous, souvent sans prévenir.
Aujourd’hui, j’ai souhaité aller encore plus loin en déposant ici, dans cet article, quelques réflexions et enseignements que j’aurais aimé lire lorsque j’ai commencé ce chemin.
Quand le rôle d’aidant s’impose : un tsunami émotionnel
Être aidant, ce n’est pas un choix. C’est un rôle qui surgit souvent brutalement, ou de manière insidieuse, et qui prend toute la place dans nos vies.
Ce rôle ne se limite pas à « aider » au quotidien. C’est bien plus profond. C’est devenir le pilier invisible d’une personne aimée, tout en restant soi-même un être humain, traversé d’émotions violentes, complexes, parfois contradictoires.
Les premières années où j’ai accompagné ma fille Clarisse, je n’avais pas conscience que je vivais un véritable tsunami émotionnel. Je pensais simplement devoir « tenir bon ». Mais en réalité, j’étais dévastée par :
- Le déni : Ce réflexe de survie qui nous protège d’une réalité trop douloureuse à accepter immédiatement.
- La colère : Une réaction naturelle face aux injustices, à l’incompréhension de l’entourage, aux lourdeurs institutionnelles, aux diagnostics qui tardent ou qui tombent comme des couperets.
- La tristesse : Celle du deuil de l’enfant « idéal », celle de l’acceptation d’une réalité qui n’était pas celle qu’on avait imaginée.
- La perte de confiance en soi : Ce sentiment dévastateur que même ce que nous avons de plus fondamental — donner la vie — semble nous échapper.
- Et enfin, la joie : Celle, immense, discrète mais puissante, de redécouvrir l’amour inconditionnel, la pureté, et une autre définition de la réussite.
Le rôle d’aidant : un monde intérieur en perpétuelle mouvance
Être aidant, c’est vivre des tempêtes intérieures en silence. C’est porter des armes invisibles chaque matin et parfois les déposer au sol pour pleurer, souffler, ou simplement survivre.
C’est aussi découvrir une force en soi que l’on ne soupçonnait pas. Une capacité d’aimer autrement, de voir autrement. D’accueillir la vulnérabilité comme une richesse, et non comme une faiblesse.
Aujourd’hui, avec le recul et beaucoup de travail intérieur, je peux dire que toutes ces émotions m’ont façonnée. Elles ne m’ont pas détruite. Elles m’ont transformée.
L’importance de nommer et d’accueillir ses émotions
Pendant longtemps, je me suis sentie submergée parce que je ne savais pas nommer ce que je vivais. Je ressentais une détresse immense sans pouvoir mettre de mots dessus.
Le jour où j’ai compris que chaque émotion, même la plus douloureuse, était un message, un signal sur mes besoins non respectés, un pas immense a été franchi.
Accueillir mes émotions, c’était enfin cesser de me juger.
C’était aussi retrouver de la douceur pour moi-même. Me dire que oui, je fais de mon mieux. Et que oui, mon mieux est déjà extraordinaire.
Ce que ma fille m’a appris
Ma fille est autiste. Et aujourd’hui, je peux dire sans hésiter que je n’échangerais sa singularité contre rien au monde.
Elle est arrivée pour m’apprendre à aimer sans condition, à ralentir, à ressentir, à vivre pleinement.
Elle m’a permis de construire une vie pleine de sens, tournée vers l’accompagnement des aidants et la sensibilisation des entreprises à l’inclusion du handicap.
Grâce à elle, je sais que la véritable force réside dans la vulnérabilité assumée.
À vous, qui êtes aidant
Si vous lisez ces lignes, peut-être êtes-vous, vous aussi, un aidant familial. Peut-être vous sentez-vous seul face à des défis immenses.
Sachez ceci : vos émotions ne vous rendent pas faibles.
Elles sont le signe que vous êtes vivant, humain, profondément aimant.
Ne vous jugez pas. Ne minimisez pas ce que vous traversez.
Déposez vos valises de temps en temps. Offrez-vous de la douceur. Cherchez du soutien.
Et souvenez-vous : il n’y a pas de bonne manière d’être aidant.
Il n’y a que votre chemin, unique, précieux, et déjà magnifique.
À bientôt pour un nouvel épisode, où je vous parlerai de résilience : comment construire, malgré tout, une vie forte, épanouissante et remplie de sens.
Avec toute ma bienveillance,
Élodie



